2001 L’Odyssée de l’Estaque, La Provence 6 janvier 2001
ROCK-OPERETTE AU GYPTIS – Les 24 ans d’Odyssée de Quartiers Nord
Avec 2001 l’Odyssée de l’Estaque, sur scène au Gyptis du 9 au 13 janvier, le groupe Quartiers Nord réalise la surprenante synthèse entre hard-rock et opérette marseillaise.
Créé en 1977 par Robert Rock Rossi et Alain L’oise Chiarazzo, Quartiers Nord est une des plus vieilles « institutions » culturelles marseillaises encore en activité. Qu’ils nous pardonnent ici de les nommer « institution » alors que justement les institutions en place, tout comme les structures privées, se sont généralement trop peu intéressé à leur cas, mais en 24 ans de perpétuelle activité musicale, le groupe a fait la démonstration d’un talent original, lequel talent a permis la naissance de dix albums (celui de 2001 l’Odyssée de l’Estaque, d’ores et déjà en vente, étant le dixième).
Le problème avec Quartiers Nord, ou peut-être le malentendu, car ce n’est pas, artistiquement parlant, un problème, c’est que leur talent est précisément « original », qu’il ne correspond à rien dans l’univers commercial musical, ni à rien non plus dans un univers culturel plus « officiel ». Quartiers Nord, depuis ses débuts en réalité, et en cela 2001 est une sorte d’aboutissement, pratique de manière plus ou moins croisée le hard-rock le plus sévère et le bel canto le plus grandiloquent. Avec Marseille pour épices. Le seul hard-rock au début, avec peu d’interférences du chant, de l’opéra ou de l’opérette, si ce n’est quelques trémolos exagérés à certains moments et l’aveu fait une fois par Rossi (le chanteur et meneur de la troupe) qu’il a toujours, en privé, chanté pour lui des airs d’opéra italien. Mais au fil des années on a bien senti l’interférence interférer. De plus en plus. Leur hard-rock initial a eu des tentations bluesy et jazzy, et puis, dans les années 90, s’est déjà beaucoup tourné vers l’opérette marseillaise. Que l’on se repasse l’album Basilic instinct, et l’on y redécouvrira quelques perles créées par le groupe, et qui font allégrement penser a une version trash de l’œuvre du regretté Vincent Scotto. 2001 poursuit sur cette voie et amène une sorte de sérénité au groupe dans ce difficile cross-over des genres. 2001 l’Odyssée de l’Estaque, au-delà de son jeu de mots (facile) avec le livre d’Arthur C. Clarke et le film de Stanley Kubrick 2001 l’Odyssée de l’Espace, a le mérite d’offrir une oeuvre cohérente malgré ses ingrédients de base disparates.
Une véritable oeuvre pour la scène
Si le disque est sorti en décembre dernier, 2001 l’Odyssée de l’Estaque n’en est pas moins une oeuvre conçue totalement pour la scène. C’est une véritable opérette, avec ses parties chantées et ses parties jouées par de véritables comédiens, la différence avec les opérettes passées étant que celle-ci incorpore une bonne dose de rock et même de hard-rock. L’expérience est originale aussi en ce sens que les musiciens seront sur scène, réellement, en fond de plateau, les comédiens placés devant eux. L’argument de l’histoire fait référence, quant à lui, à toute une série de thèmes marseillais. Cela commence par l’abandon du bébé Arblade – dans une poubelle. Il est élevé par Angèle, femme de ménage au cœur d’or amoureuse de Réda Caire. Or Angèle, à sa mort, dévoile à Arblade son secret : il est le fils illégitime du chanteur (Réda Caire) avec une groupie anonyme. Arblade part donc à la recherche de sa vraie maman, il va croiser sur son chemin un certain nombre de (pittoresques) personnages, à travers des événements marseillais tels qu’un aïoli géant à Mourepiane, ou une partie de pêche à Corbières, autant de quartiers du Nord de Marseille bien entendu.
Mise en scène par Yves Fravéga (par ailleurs collaborateur éminent de la compagnie Cartoon Sardines), 2001 l’Odyssée de l’Estaque est interprétée à la comédie et au chant par Marie Démon, Edmonde Franchi, Gilbert Donzel, Robert Rossi, Frédéric Achard, et interprété musicalement par Alain Chiarazzo, Étienne Jesel, Guillaume Bonnet et Thierry Massé.
Patrick Coulomb
Quartiers Nord, spectacle 2001 L’Odyssée de l’Estaque, presse, La Provence 6 janvier 2001